[Almandine - Lukis - Jaÿden ]

Almandine laisse Jayden se rasseoir et picore dans son assiette.

- Bon, un couvert inutile donc. Vous l'avez laissé partir ?

Jaÿden soupira.

- C'était sans doute la plus mauvaise des solutions, admit-il calmement. Mais je ne me voyais pas le traîner de force ici...

Il était clairement contrarié par la situation.

- Je suppose que vous avez pris rendez-vous. Un peu de vin ? demande Almandine en prenant la bouteille. Cela vous remontera le moral.

Un serveur passe et Almandine décommande le couvert supplémentaire tout en leur indiquant d'envoyer la suite.

- Ce qui me remonterait le moral serait de ne plus jamais entendre parler de cet imbécile, gronda-t-il.

Il accepta le vin de bonne grâce.

- Je sais où il dort, nous le contacterons peut-être si nous en décidons ainsi...

Il soupira.

- Ce que tu as fait est dangereux, tu sais ce qu'il est, mais tu ne sais pas qui il est, raison pour laquelle je vais te demander de rester sur tes gardes, et nous ne rentrerons pas directement à l'auberge... Je ne lui ferais pas confiance, et je comprends qu'il ne me fasse pas confiance ou ne m'apprécie pas, mais ça ne me rendra pas plus indulgent à son égard.

- Vous ne gâcherez pas mon repas avec vos reproches. Mais je sais me défendre, inutile de me materner à ce point.

Elle ajoute un sourire pour atténuer la remarque, et attaque le plat principal qu'on venait de leur servir.

- Délichieux.

Il secoua doucement la tête.

- C'était un constat et non un reproche, tu agis comme tu l'entends et je n'ai pas l'intention de te donner des ordres, du moins pas dans ce genre de circonstances...

Il commença à couper sa viande avec une expression pensive.

- Je disais simplement que je ne lui fait pas confiance. Toi tu arriveras peut-être à gérer les choses d'une manière différente et plus efficace... Moi... J'avoue avoir eut un mal fou à ne pas le poignarder... Ce genre de personne, ou du moins le visage qu'il nous montre, a tendance à me taper rapidement sur les nerfs.

D'un hochement de tête il approuva son enthousiasme pour le repas quand il eut goûté la viande.

- Simon te permettra peut-être d'avoir une vision un peu plus flatteuse des nôtres, je ne l'imagine pas manquer de courtoisie, ça te changera agréablement je pense. Ou du moins j'ose l'espérer.

- Ca c'est une bonne nouvelle. Quand devons nous le rejoindre ?

Almandine savoure sa viande aux légumes confits en se retenant de manger trop vite.

- A moins d'avoir été mal informé, ce qui reste toujours possible, demain. J'ai du perdre le compte des jours, il me semblait que son navire arrivait aujourd'hui.

Almandine se fige en entendant cette phrase, comme plongée dans des souvenirs nébuleux. Après un moment, elle recommence à mâcher en secouant la tête, laissant de coté ce sentiment fugace.

- Je vois que vous avez presque terminé. Vous savez déjà quel dessert vous aller prendre ?

- Non, je ne sais... Et toi ?

- Ils ont des meringues, je n'en ai pas vu la couleur pendant 6 mois, et c'était impossible à cuisiner dans ma retraite.

Almandine s'en lèche d'avance les babines.

Jaÿden sourit doucement.

- Je n'imaginerais même pas cuisiner réellement au fond d'une forêt, mais je dois dire que je suis un très piètre cuisinier... Même en temps normal.

Quand le serveur passa il l'interpella pour demander des meringues pour elle et pour lui.

- On apprends vite quand on n'a pas le choix. Heureusement j'avais déjà pris des "cours" à l'insu de mes parents, lorsque mon frère m'emmenait chasser en douce : on ramenait nos prises au cuisinier, et il m'avait montré comment faire.

Un voile de regret passe sur son visage lorsqu'elle se remémore ces souvenirs.

- J'espère un jour pouvoir revoir mon frère. Il doit encore se demander ce qui a bien put m'arriver.

Les meringues arrivent.
Almandine commence par manger tout le bord en savourant le gout, avant de fourrer tout le "coeur" dans sa bouche pour saturer ses papilles de sucre. De la poussière de sucre reste collée sur ses lèvres. Une vraie gamine !
Enfin elle se passe un coup de serviette et ferme les yeux avec un bras sur le ventre.

- Je n'ai plus l'habitude d'aussi bien manger. Je crois que le chemin du retour ne sera pas de trop pour digérer.

Jaÿden sourit en la voyant faire et poussa sa propre meringue vers elle pour l’inviter à se servir.

- Oh… Tu auras tout le temps de digérer, d’autant que nous allons faire quelques détours en revenant… dit-il d’un ton détaché.

Il sirotait son verre de vin tout en l’observant pensivement.

- La nécessité est souvent la plus efficaces des écoles effectivement, dit-il lentement. Mais rarement la plus simple…

Le solaire termina finalement son verre.

- Tu n’as eut aucune nouvelle de ta famille depuis ton départ ?

- J’ai pensé que c’était trop dangereux, pour eux comme pour moi. Et puis il y a maintenant 1500 kilomètres entre nous…

Almandine en avait fait son deuil deux mois avant, mais la nostalgie revenait périodiquement. Elle haussa les épaules.

Jaÿden hocha la tête.

- Oui, c’est plus sur ainsi… Et puis… Au fond, on ne sait jamais vraiment comment nos proches vont réagir…

Il avait dit cela d’une voix trop neutre et trop détaché pour qu’il ne s’agisse pas également de mauvais souvenirs pour lui-même.

- Allons-y, dit-elle lorsqu’elle se sent de marcher normalement, et en vidant d’un trait son verre d’eau.

L’expression de Jaÿden s’était faite lointaine, et quelque peu amère, il hocha rêveusement la tête et se resservit un verre de vin avant de le vider d’une traite.

- A ta guise… dit-il calmement. Allons faire un tour le long des quais veux-tu ?

- A votre guise, dit Almandine en insistant légèrement sur le vouvoiement. Elle attrape son vêtement tandis que Jayden paye le complément.

Il rit doucement en l’entendant.

- Tu m’as déjà dit que tu ne te montrerais pas impolie au point de tutoyer quelqu’un, mais au final tu ne m’as pas répondu quand je t’ai demandais si tu voulais que je recommences à te vouvoyer, dit-il tranquillement.

Il prit la direction du fleuve en prenant soin de traverser le quartier dans lequel il se trouvait pour atteindre les rives afin de rendre la promenade plus agréable.

Almandine hésite un instant, le terrain pouvant s’avérer glissant, avant de déclarer :

- Vous détestez les gens impoli, mais vous avez dut mal à vous imposer le même traitement, même si j'admets volontiers que ce n’est pas dans les mêmes proportions…

- Ce n'est pas tant son impolitesse que la teneur profonde de ses propos qui me posent problème, dit-il lentement. Ce n'est pas un manque de respect quand je te tutoie, et je ne doute pas un seul instant que tu l'ai compris...

Il laissa son regard se perdre dans le vague alors qu'ils marchaient dans une rue peu fréquentée.

- J'ai tendance à juger les gens sur ma première impression, dit-il finalement. C'est un défaut que je ne rectifierais sans doute plus désormais... Il y a peu de gens que je puisse considérer comme de possibles amis, et moins encore que j'ai envie de considérer comme tel. Quand à la famille...

Il laissa échapper un ricanement amer.

- Ma famille maintenant est des plus restreinte. Je ne fais pas parti de ceux qui cherchent à s'installer et à trouver une vie, je suis de ceux qui aident à cela, et qui s'assurent ensuite que cela reste possible, mais ça m'isole. Tu m'as demandé une honnêteté dont je ne fais généralement pas preuve, dont les autres n'ont généralement pas besoin. et qu'ils ne me réclament pas.

Le solaire haussa les épaules, à son ton, cet état des choses ne semblait pas le déranger outre mesure.

- Tu as une vision des choses qui me parait... terriblement idéaliste et enfantine...Utopique à vrai dire. Mais tu veux savoir ce que je suis, pour comprendre, pour savoir si tu peux décider de me faire confiance...

Il cherchait ses mots, visiblement peu habitué à se livrer de manière franche.

- Moi je veux te convaincre, parce que c'est mon travail, et parce que malgré tout, je crois en ce que je fais, même si ma manière de le faire est sans doute très différente de la manière dont tu vois les choses. Donc soit je te considère comme faisant partie des rares personnes dont je me sente proche et je te traite en tant que telle, soit je doute que tu puisses jamais savoir qui je suis vraiment et quelles sont mes motivations... Mais ne compte pas sur moi pour que je fasse de même avec l'autre crétin, et ça, ça fait aussi parti de ma charmante personnalité.

Il avait prononcé l'adjectif sur un ton de dérision.

Almandine laisse Jayden exprimer ses pensées, consciente que ce n'était pas tout les jours. Quand il s'arrêta, Almandine laisse le silence s'installer un moment, se laissant le temps d'imprimer toutes ces paroles, et à Jayden de gouter le moment apparemment rare où il se confiait.

Elle demande ensuite d'une petite voix :
- Et quel jugement as tu porté sur moi ? Et aujourd'hui ?

- Du potentiel, mais une vision trop... utopique du monde. J'ai pensé qu'il ne serait sans doute pas simple de nous entendre, je n'ai pas vraiment le genre de caractère qui s'accorde avec ce que tu m'as montré de toi lors de notre première rencontre. Je ne prétend d'ailleurs pas qu'une des deux visions des choses soient meilleures, simplement qu'elles sont difficiles à accorder.

Il haussa les épaules.

- Et aujourd'hui je pense que je n'ai pas envie de te convaincre d'adopter mon point de vue, mais je pense qu'il est peut-être possible de trouver un équilibre qui permette de faire équipe. Je ne pense pas que tes idéaux soient très éloignées des miens, ou du point de vu de mon Maitre. J'ai simplement une vision plus noire et plus cynique des choses... Mais après tout, pourquoi pas ?

Jaÿden avait parlé tranquillement et ce faisant ils avaient atteints les berges.

- Aujourd'hui, me fais-tu confiance ?

Almandine parle doucement, laissant Jayden exprimer ses pensées.

- Assez pour te répondre que non. C'est à dire assez pour me montrer franc...

Il secoue doucement la tête.

- Je pense qu'il faut plus de temps pour savoir si l'on fait réellement confiance à une personne, et surtout, il faut une situation qui le démontre, pour moi, c'est seulement au moment où l'on choisit de prendre en vrai risque en nous fiant à quelqu'un que l'on peut affirmer qu'on lui fait confiance. Avant cela ce sont des paroles, mais pas encore des faits.

Jaÿden tourna la tête vers elle.

- Je pense que je peux te faire confiance, c'est différent. Je pense aussi qu'il faut apprendre à nous connaitre, et à comprendre comment l'autre réagit. Mais tu peux constater que ce soir je me suis fié à ton jugement et que je n'ai pas cherché à m'y opposé, malgré le fait que je n'aurais pas agit de cette manière.

- Merci, dit-elle simplement après un moment. Je te fait confiance désormais. Cependant il reste la question du but de ton maitre, qui restera peut être un obstacle quand je le découvrirai. En attendant et à moins que les choses changent, je serai là pour toi si tu le souhaites.

Jayden dut se rendre compte à cet instant qu'Almandine le tutoyait depuis quelques phrases maintenant, ce qui était manifestement intentionnel.

- Je n'ai pas l'impression que nous sommes suivi.

Il hocha la tête en silence pour signifier qu'il avait bien entendu ce qu'elle venait de lui dire. Mais quand il reprit la parole ce fut pour changer de sujet et elle compris qu'il aurait sans doute besoin d'un peu de temps pour réfléchir à tout cela.

- Je n'ai pas non plus l'impression que nous ayons été suivis... Je vois sans doute des menaces partout, il devait être réellement effrayé, tout simplement. Mais j'ai eut trop de mauvaises surprise pour ne pas me méfier.

Il ressorti la lettre que leur avait montré le solaire, puis le portrait, et dans les traits du dessin il lui montra une séries de petits symboles très discrets dissimulés dans le dessins.

- Cela signifie qu'il est l'un des nôtres, et qu'il a bien été envoyé à ma recherche par mon maitre. Il semble qu'en ce moment il cherche à rassembler plus d'entre nous que d'ordinaire. Mais cela faisait un moment qu'il avait pour projet de lancer de vraies recherches, et je pense que c'est cela qu'il est en train de mettre en place en cherchant à rassembler certains d'entre nous.

Le moment sympathie étant terminé, Almandine repasse au vouvoiement.

- J'ai hâte d'être demain et de rencontrer votre ami Simon.

Une façon comme une autre d'inviter Jayden à aller dormir.

Le solaire hocha la tête en prenant le chemin de l'auberge.

- Il faudra décider de quoi faire pour l'autre... Dit-il finalement.

Almandine répond immédiatement, comme si elle y avait déjà pensé :

- Tout solaire est une force dont on ne peux se passer, et attendre une réincarnation ne changera rien à sa nature. Voyons si nous pouvons l'emmener, ses compétences serviront bien un jour ou l'autre, même s'il doit rester en arrière selon la situation.

Elle ajoute ensuite :

- Vous ne m'avez d'ailleurs toujours pas parlé de pourquoi vous nous réunissez cette fois-ci, à moins que vous l'ignoriez jusque là ?

- Je peux faire des hypothèses... dit-il lentement. Mais je ne suis pas certain que cela vaille la peine de s'acharner sur le sujet alors que nous devrions en savoir rapidement plus.

Il haussa les épaules.

- Recherche d'artefact à mon avis.

- J'ai hâte d'y être.