Premier pas [Almandine]

Il rit, mais sans méchanceté.

- Ouais, j'ai remarqué effectivement que tu n'excellais pas dans le domaine social...

Jaÿden haussa les épaules.

- Force, endurance, perceptions, dextérité... Ca fait déjà d'importants changements... Mais tu vas devoir aussi te rendre compte que ton apparence a changée, tu étais sans nulle doute déjà considérée comme une belle jeune fille, mais là, ça va être au point de poser des problèmes, tout simplement parce que les hommes vont se retourner sur ton passage, baver comme des imbéciles et nous causer des problèmes sans fins pour peu qu'ils aient bu deux pintes de trop. Quant aux femmes...

Il grimaça.

- Elles seront pires, parce que jalouses, envieuses, et effrayées à l'idée que tu puisses leurs prendre leurs hommes. Est-ce je suis assez clair ? demanda-t-il avec une pointe d'amusement.

Almandine rougit, puis frissonna et baissa la tête.

- D'accord.

Elle réajusta son chargement et continua d'avancer en silence, manifestement en pleine réflexion.

Durant un moment il la laissa réfléchir sans la déranger, avant de reprendre la parole.

- Plusieurs choses sont à voir... Mais je vais commencer par te demander ce que tu penses de tout ça.

- Et bien, je n'en suis pas sûre, mais... j'essaye de faire la part des choses mais il semble qu'avant, j'étais déjà ennuyée par ce genre de considération. Je suppose que je n'ai pas changée, mais qu'en plus ce soit en accord avec ce que j'étais il y a quelques mois. Je suppose aussi que ce n'est pas dut au hasard...

Almandine n'en dit pas plus, mais par réserve cette fois.

- Je pense que tu réaliseras sans doute que le phénomène sera... accentué, dit-il avec une certaine douceur.

Il resta un moment silencieux.

Almandine marmonne inintelligiblement.

- Et vous, vous avez des souvenirs ou des impressions ?

Il secoua la tête.

- Pas vraiment non, répondit-il tranquillement.

Il resta un moment pensif.

- Je vais revenir au sujet de base, mais nous reparlerons de ça par la suite si tu veux... Il faut qu'on te "construise" un passé. Nous allons côtoyer des gens, tu as besoin d'avoir quelque chose à leur répondre quand ils te poseront des questions. Ca permet d'éviter d'éveiller les curiosités.

Almandine marmonna encore une fois.

- Rougir et laisser les autres répondre, je sais faire. En général les gens n'insistent pas...

Il rit doucement.

- Ca n'empêche pas de prévoir et de planifier les choses, ça simplifie les situations... Surtout si personne n'est là pour répondre à ta place.

Il réfléchit un moment.

- Est-ce que tu dirais que tu es à l'aise au milieux des gens ?

Almandine dit rapidement

- J'étais la seule fille d'un riche commerçant, cela impliquait que je sache me tenir en société. Je suis juste timide...

Elle réfléchit rapidement et ajoute :

- Je manque par contre d'une garde robe adaptée si vous voulez me faire jouer les jeunes filles à marier en ville. En dehors de cela, je peux très bien raconter mon histoire en changeant un nom et une ville. Ce ne sera pas improbable...

- Si cette solution te convient cela conviendra parfaitement. Sache aussi que rien ne t'empêche de changer d'idée selon les lieux...

Il eut un sourire amusé.

- Je ne compte même plus les identité que j'ai pu m'inventer, ajouta-t-il avec amusement.

- Vous me guiderez puisque vous avez l'habitude... Les chevaux sont encore loin ?

- Assez oui, je te rappelle que j'ai parlé de deux jours de marche quand même.

Almandine accélère un peu le pas, et au bout de quelques minutes, demande :

- Et sinon, quelles nouvelles du monde ces six derniers mois ?

Il lui donna avec bonne humeur les dernières nouvelles, ainsi elle pu découvrir qu'il semblait bien informé de ce qu'il se passait de part le monde. Sans doute son maître disposait-il d'un bon réseau d'informateurs dont il pouvait bénéficier lui-même.

Ils retrouvèrent les chevaux à l'endroit prévu et Almandine pu enfin se décharger de son fardeau. Ils se mirent en selle et Jaÿden prit la tête du groupe. Il avait laissé la jeune femme avancer à son rythme, mais désormais il forçait l'allure, et quand ils firent une pause pour abreuver les chevaux et manger leurs rations, il expliqua à la jeune femme qu'il craignait un peu d'être en retard, ajoutant qu'il préférait arriver sur place avant Simon si cela leur était possible.

Il n'alla tout de même pas jusqu'à la faire chevaucher de nuit, mais ils se levèrent tôt le lendemain pour repartir rapidement. Trois jours de voyages leur furent nécessaire pour atteindre une bourgade de taille moyenne qui se blottissait autour d'un port donnant sur le fleuve qu'ils longeaient désormais depuis la veille.

- Nous y voila... Je rêve de pouvoir me laver ! commenta Jaÿden avec force. Je ne suis pas un dandy ;comme Simon, mais j'apprécierais de ne plus puer la sueur et le cheval ! Qu'en dis-tu ?

Almandine qui s'était baigné la veille -avec beaucoup de pudeur- avant d'entrer dans ses vêtements de ville, n'a pas un avis différent.

- Et bien cela fait plusieurs mois que je n'ai pas pris un bain civilisé, et c'est bien quelque chose qui m'a manqué !

Elle s'enroule dans son manteau et rabat son capuchon avant de mettre pied à terre.

- Je suis fourbue.

Elle suit ensuite Jayden en guidant son cheval par la bride, appréciant de se dégourdir les jambes.

Jaÿden les guida dans le dédale des rue sans la moindre hésitation jusqu'à une auberge. Ils laissèrent les chevaux à un garçon d'écurie, puis il alla demander deux chambres côte à côte et paya sans hésiter et sans chercher à marchander pour qu'on leur monte dans celles-ci baignoire et eau chaude. Quand le tenancier répondit, gêné, qu'il n'y avait qu'une baignoire Jaÿden soupira avant de hausser les épaules.

- Et bien je prendrais mon bain ensuite, voila tout.

Il en fut comme il l'avait demandé et bientôt Almandine pu profiter à loisir de la baignoire et de l'intimité d'une chambre qui, quoique simple, était propre et agréable.

Almandine se prélasse un bon moment dans l'eau délicieusement chaude, étirant ses muscles endoloris par le voyage à cheval.
Quand l'eau commence à devenir tiède, elle s'astreint enfin à se nettoyer de fond en comble, insistant notamment sur ses cheveux, puis ses pieds. Le savon fondait à vue d’œil mais Almandine n'en a cure.

Quand enfin elle s'estime suffisamment propre, elle sort et se brosse longuement les cheveux avant de s'habiller sommairement. Elle se retourne ensuite vers le baquet et fait une grimace en constatant la couleur de l'eau.

Elle s'enroule dans une serviette et sort de sa chambre, entrouvre celle de son voisin :
- Jayden, je pense que vous allez devoir commander un bain propre.

Elle referme ensuite et rentre chez "elle" avant de s'habiller.

- Je ne comptais pas faire autrement, commenta-t-il.

La baignoire fut emportée par des serviteurs qui préparèrent ensuite le bain de Jaÿden. Une fois propre il alla frapper à la porte d'Amandine.

Personne ne réponds, et pour cause, Almandine dort profondément... une dague dans une main à moitié sous l'oreiller.

Jaÿden poussa la porte et entra sans chercher à se montrer particulièrement discret, il referma la porte derrière lui et s'y adossa.

Almandine sursaute, mais se contraint à l'immobilité et sa dague de chasse resta dans sa main. Elle se retourne en rougissant et se confonds en excuses :

- Désolée, l'appel du lit était trop fort. Maintenant je me rends compte a quel point cela me manquait !

Il éclata de rire.

- Je connais ça. L'appel d'un vrai repas te tenterait-il ?

Son estomac répond pour elle... elle rougit et se lève pour lui emboiter le pas.